L’approche socio-économique du management stratégique en débat aux assurances
Une conférence sur le thème « Approche socio-économique du management stratégique : coûts-performances cachés et performance globale durable», a été animée par M. Henri Savall, Président fondateur de l’Institut de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations (ISEOR), centre de recherche basé à Lyon (France), Professeur émérite à l’Université Jean Moulin Lyon 3, le samedi 7 mars 2020, au siège de la Société algérienne des Assurances (SAA), à Alger.
Cette conférence a été organisée par l’Ecole algérienne des Hautes études d’Assurance (EHEA) et la société publique SAA, leader du marché.
Devant un parterre d’invités composé du président de l’UAR, des PDG des sociétés SAA, CAAT, CASH et CCR, notamment, ainsi que des cadres dirigeants de nombre de compagnies d’assurances, le Professeur Savall a entamé sa conférence en indiquant que « près de 600 chercheurs ont pris part à cette recherche qui a permis de diagnostiquer 4713 dysfonctionnements (maladies des entreprises). » Il explique que « ces dysfonctionnements détruisent les valeurs économiques » et que « cette destruction a un coût : entre 20 000 euros et 70 000 euros par personne et par an, soit environ 40% du chiffre d’affaire d’une entreprise. »
Le professeur Savall a assuré qu’il est possible de récupérer entre 7 et 38 000 euros par personne, grâce à l’amélioration de la manière de travail via ce qu’il a appelé « l’investissement incorporel en développement qualitatif. » Il a estimé le taux de retour de cette action entre 210% et 4 040%, selon les entreprises.
Abordant le champ de la méthodologie, le conférencier a parlé de performance durable. L’angle d’attaque a consisté à considérer l’employé comme client, afin de comprendre ses besoins et ses attentes.
Coûts cachés et performance durable
A la lancinante question « comment transformer les coûts cachés en performance durable ? », le Professeur Savall a expliqué que 4713 dysfonctionnements sont répertoriés au sein des entreprises. Il s’agit d’une évaporation des ressources et parmi les principales causes ou indicateurs, il en donne cinq : l’absentéisme, les conditions de travail, la rotation du personnel, la qualité des produits et l’écart de productivité directe.
Pour y remédier, il a expliqué que l’enjeu de la méthodologie. Selon lui, dans la politique classique nocive, il y a une réduction des coûts visibles mais, en même temps, une dilatation des coûts cachés. « Le résultat est que les coûts de revient sont dégradés », dira-t-il.
A contrario, la mise en œuvre d’une politique innovante consiste à convertir un coût caché en investissement d’amélioration. Dans la foulée, le conférencier a considéré que le potentiel humain est le seul facteur actif de création de valeur ajoutée.
Selon l’orateur, le coût de la performance cachée se mesure par un diagnostic participatif.
Dans la troisième partie de son exposé, le Professeur Savall a abordé la mise en œuvre de solutions. Il faut de nouvelles pratiques, dira en substance le conférencier. Cela passe par une évaluation qui doit se faire avec une démarche descendante-remontante-descendante-remontante. Ce qui renvoie à une espèce d’ascenseur qui marche.
Il est relevé, dans l’exposé, que lors de la conduite de la transformation de l’entreprise, il est constaté que seuls 7% du personnel ne change pas, tandis que les 93% restants sont favorables au changement et à la performance.
La mise en œuvre stratégique passe par la communication, via des réunions périodiques entre les employés et leurs responsables directs.
A une question sur l’auto-diagnostic des coûts cachés, le Professeur Savall a répondu que cela n’existait guère. Cependant, il peut s’acquérir, au fil du temps, relève-t-il.
A une autre question sur son estimation des coûts cachés, dans le secteur des assurances, le conférencier indique que, selon une expérience menée au sein d’une grande compagnie d’assurances, les coûts cachés sont estimés à 22%.
Aussi, il est expliqué que cette méthode permet d’approfondir les techniques d’audit, partant du constat selon lequel les humains ont tendance à cacher des choses à l’auditeur. « Nous avons découvert un terrible virus, le TFW (taylorisme, fayolisme et weberisme), des théories dont les conséquences sont la spécialisation excessive, la séparation entre la fonction de conception et celle de la réalisation, dépersonnalisation, etc. », Ce qui amène le conférencier à déduire que 53% des coûts cachés sont dus au virus TFW.
Outils du management stratégique
Dans la deuxième partie de cette conférence, la directrice générale de l’ISEOR, la professeure Véronique Zardet, a abordé les outils pour stimuler le potentiel humain.
La conférencière a expliqué que l’ambition du management socio-économique est de rassembler les individus et les équipes éclatés et le rôle du manager est de stimuler les équipes, stimuler cette relation transversale et verticale, selon le principe du château d’eau. Pour ce faire, elle dira qu’il est nécessaire d’améliorer :
- la gestion du temps ;
- la communication ;
- la mise en œuvre stratégique.
La réalisation de ces tâches passe par ce que la professeure a appelé « la décentralisation synchronisée ». Cela consiste à favoriser la multiplication des pôles d’initiative, de mise en œuvre du pilotage. Autrement, il s’agit de travailler plus en équipe, de développer la délégation concertée : hiérarchiser le travail, prendre des décisions après concertation, avec consultation, avec information à postériori ou sans information.
La conférencière a parlé, aussi, de la nécessité de mise en place d’un plan d’actions prioritaires, de six mois, qui tienne compte du principe de l’ascenseur, susmentionné. Elle a, également, cité le contrat d’activité périodiquement négociable (CAPN) qui est un contrat d’amélioration de la performance. Ce contrat est accompagné d’un bonus.
Pour y arriver, la conférencière a expliqué que son équipe a créé un outil, une grille de compétences, qui se décline comme suit :
- Maitrise parfaite ;
- Pratique occasionnelle ;
- A les connaissances mais ne pratique pas ;
- Ni connaissances théoriques ni pratiques ;
- Ce qu’il y a lieu de faire (plan de formation de l’entreprise).
Il ressort de ces constats que 27% de notre temps est non créateur de valeur ajoutée, dira la professeure.
L’approche pro-active rentable
Le management par l’exigence partagée consiste à faire un diagnostic, suivi d’un projet, de sa mise en œuvre et de son évaluation.
Dans la troisième et dernière partie de la conférence, le professeur Marc Bonnet, adjoint du DG de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE) de Lyon, a fait un exposé sur la vente proactive rentable.
Il a donné l’exemple d’une entreprise française, leader dans la viennoiserie, qui est dans le management socio-économique depuis 36 ans. Après la mise en œuvre d’un plan d’actions prioritaires, l’entreprise a fait un gain de 21 000 euros.
Pour le professeur, il s’agit de mesurer la rentabilité de l’investissement qualitatif en potentiel humain. Pour ce faire, il a donné un indicateur : la contribution horaire à la valeur ajoutée sur coûts variables. Il a ajouté qu’investir sur l’animation des équipes est extrêmement rentable.
Pour conclure, le Professeur Savall a préconisé ce qui suit : « occupez-vous de vos collaborateurs, ils s’occuperont de vos clients et de vos machines ! » Pour lui, l’investissement incorporel est un élément essentiel des stratégies proactives endogènes d’action sur l’environnement et le marché.
Il a parlé de Tétra-normalisation, pour dire qu’il s’agit d’une normalisation mal assumée par l’entreprise.
Interrogé sur les pathologies récurrentes, au sein des entreprises diagnostiquées par l’ISEOR, le Professeur Savall a préféré parler de cinq qualités humaines qu’on retrouve, partout, et qui sont à l’origine de toutes les pathologies lorsqu’elles ne sont pas estimées à leur juste valeur. Pour le professeur Savall, les cinq qualités humaines naturelles à prendre en compte sont :
- L’intelligence (pas diplômé) ;
- Comédien ;
- Stratège ;
- Désobéissance ;
- Amnésiques.
Il nous faut des outils de management pour maitriser toutes ces qualités.
A propos de la résistance au changement constatée, à chaque fois dans l’entreprise, il dira que la meilleure technique, c’est de s’ouvrir à de nouvelles pratiques, le débat et le dialogue. Cela désarme la résistance au changement. Il a rappelé que seuls 7% sont récalcitrants et résistants au changement.
Enfin, le Professeur Savall dira que la veille stratégique décentralisée est un des objectifs du management socio-économique. Elle consiste en une décentralisation synchronisée qui aide à traduire les contraintes en des opportunités.